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Jean-marie Straub

Kommunisten

Doc. expérimental | hdv | couleur | 110:0 | France | 2014

Le défi que se/nous propose Jean-Marie Straub est bien d'ordre cinématographique. Tous ses films ont toujours été constitués de blocs. Et ces blocs qui s'entrechoquent, blocs denses de textes, de paysages, de visages, ont toujours eu pour nécessité de donner à voir à travers ces chocs l'invisible des sentiments et du politique. Mélangeant les blocs de temps (40 ans séparent les différents extraits), les blocs de textes (Malraux, Fortini, Vittorini, Holderlin) et les blocs de langues (français, italien, allemand), pour que de ce fracas émerge l'histoire du monde, oui l'Histoire, et du même mouvement l'espoir politique de son dépassement. La première chose que nous dit Kommunisten, c’est que Straub pense ici son cinéma comme un fonds d’archives personnel dans lequel puiser, si bien que ce film devient une leçon où les fragments des films passés – plus un « nouveau », en ouverture, inspiré de Malraux, avec la voix de Straub lui-même (hors champ) qui interroge des communistes en prison – peuvent être utilisés comme objets d’étude. Kommunisten, c’est Straub et c’est Danièle Huillet, mais c’est surtout leur cinéma – qui a traversé le XXe siècle, ses conflits et ses utopies impossibles, en cherchant dans le pli des mots et des images qui les tissent ce qui est resté suspendu, caché, enfoui avec les oublis imposés par ceux qui écrivent et déterminent l’Histoire. Chaque « bout » de film nous emmène en terrain découvert, dans un passé qui paraît actuel, parce que ces questions sont restées sans réponse – si ce n’est avec une image, qui continue à les poser sans relâche, avec détermination. (Cristina Piccino, Il Manifesto, 19 août 2014)